KAT DREAMS

Friday, July 09, 2004

Langues africaines : le maillon faible du développement.

Le président du Mozambique, Joaquim Chissano, a fait son discours d'ouverture du sommet de l'Union Africaine en Shuayili. Ceci a étonné plus d'un observateur et je me demande bien le pourquoi.
La négligence de l'usage des nos langues nationales africaines, qu’on le sache donc, est un véritable obstacle au développement de notre continent; car plus de 80% de la population africaine ne comprennent ni le français, ni l'anglais, ni le portugais.
Sans vouloir polémiquer à ce sujet, je vais, dans cet article, vous pressentez deux réflexions, l’une écrite par, un des grands intellectuels et scientifiques noirs, le professeur Cheikh Anta Diop et l’autre faite par un ancien ministre du Général de Gaule et de Mitterrand, Mr Edgard Pisani, aux antennes de la Radio France International le dimanche 4-06-2004 dans l’émission LIVRE D’OR .
Dans « LES FONDEMENTS D’UN ETAT FEDERAL D’AFRIQUE NOIRE » paru en 1974 aux éditions Présence Africaine, CHEIKH ANTA DIOP écrivait dès 1960:
« Il ne faut pas considérer les langues européennes comme de riches diamants enfermés sous une cloche et dont les brillants reflets nous aveuglent; l’attention doit être fixée plutôt sur le processus historique de leur formation. Notre raison devient alors créatrice en s’apercevant que de telles voies sont praticables par tous.
L’influence de la langue est si importante que les différentes métropoles européennes pensent qu’elles peuvent sans grand dommage se retirer politiquement de l’Afrique d’une façon apparente, en y restant d’une façon réelle dans le domaine économique, spirituel et culturel.
On envisage dans cette dernière perspective que l’ancienne colonie gardera officiellement la langue de la métropole; le contraire serait décevant, ingrat, inacceptable. Tout ce qui précède prouve qu’un tel dessein est impossible à réaliser, mais que les anciennes colonies n’en continueront pas moins à apprendre les langues de leurs anciennes métropoles respectives dans le cadre de l’enseignement secondaire. Il ne s’agit donc nullement d’une coupure culturelle radicale.
En se fondant sur notre indolence intellectuelle et les difficultés énormes à vaincre pour maîtriser la mosaïque linguistique africaine, certains observateurs européens sont persuadés que nous ne serons pas à la hauteur des circonstances, que nous serons incapables de dominer une situation qui exige tant d’énergie humaine, tant de lucidité intellectuelle, tant de pensée créatrice. Si leur attitude ne va pas jusqu’au
ricanement, ils n’en sont pas moins convaincus de la faillite de la culture africaine.
La capitulation culturelle est un fait acquis, compte tenu de notre ignorance des problèmes vitaux qui n’épargne même pas certains responsables politiques. Indépendance politique, dans une certaine mesure, oui, pensent-ils maintenant. Mais rien de ce qui fait la grandeur des nations modernes dans le domaine de la culture nationale et même de l’infrastructure économique ne saurait, en fin de compte, exister chez nous.
Par contre, ils s’attendent bel et bien à l’apparition et au maintien de cette mixture culturelle et ils entendent déjà retentir à leurs oreilles les expressions pseudo dialectiques par lesquelles on tentera de légitimer un tel état de fait au nom de l’efficacité, du progrès1, de l’unification planétaire, etc.
Notre génération n’a pas de chance, si l’on peut dire, en ce sens qu’elle ne pourra pas éviter la tempête intellectuelle; qu’elle le veuille ou non, elle sera amenée à prendre le taureau par les cornes, à débarrasser son esprit des recettes intellectuelles et des bribes de pensée, pour s’engager résolument dans la seule voie vraiment dialectique de la solution des problèmes que I’histoire lui impose.
Cela suppose une activité de recherche, au sens le plus authentique, des esprits lucides et féconds, capables d’atteindre des solutions efficaces et d’en être conscients par eux-mêmes, sans la moindre tutelle intellectuelle.
C’est la conjoncture historique qui oblige notre génération à résoudre dans une perspective heureuse l’ensemble des problèmes vitaux qui se posent à l’Afrique, en particulier le problème culturel. Si elle n’y arrive pas, elle apparaîtra dans l’histoire de l’évolution de notre peuple, comme la génération de démarcation qui n’aura pas été capable d’assurer la survie culturelle, nationale, du continent africain; celle qui, par sa cécité politique et intellectuelle, aura commis la faute fatale à notre avenir national: elle aura été la génération indigne par excellence, celle qui n’aura pas été à la hauteur des circonstances.
Contrairement aux apparences, le choix d’une langue continentale unique qu’il suffirait à n’importe quel étranger d’apprendre, qu’il soit Français, Anglais, Russe, Indien, Chinois, Japonais, Allemand, Hollandais, Espagnol, Portugais, Italien, etc., pour pouvoir communiquer avec n’importe quel Africain de n’importe quel coin du continent noir, conduirait donc parfaitement à une simplification de nos rela¬tions avec le monde extérieur: les relations interna¬tionales, au lieu de s’en trouver compliquées, comme on le voit, seraient plutôt facilitées. »

1. Cf. NATION NEGRE ET CULTURE, IIe partie, où est démontrée la plus grande rapidité d’assimilation des techniques modernes par l’adoption des langues nationales, et les multiples avantages que l’usage systématique de celle-ci présente sur celui des langues européennes dans le domaine de la scolarisation du peuple. (Ed. Présence Africaine)
Quant à Edgard Pisani , il est tout aussi préoccupé par la perte de la culture africaine à cause de la fameuse francophonie. Il a dit :
« Je suis à l'aise devant les francophones mais j'ai peur que leur prétendu ambivalence ne soit source et cause de déséquilibre. »
« Je n'aime pas le concept de francophonie. Je ne récuse pas le mot de francophone; je récuse le mot de francophonie. Je ne suis pas sûr, mais peut-être me trompe-je, que c'est un bon mode d'organisation. Je crains que le concept de francophonie ne soit un concept qui ne charrie avec lui je ne sais quelle volonté de domination culturelle qui ne soit pas l'expression d'une convivialité, d'un partage de la langue mais qui soit un moyen pour la France de continuer une influence au travers de ce qu'elle représente de culture. Ce que j'aimerais, c'est que ce concept des pays ayant le français en commun ne dégénère pas en structure du type politique. »

Que tout africain se sente concerné par ces pertinentes réflexions.

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